lundi 24 juillet 2017

Tract La France Insoumise - Créer une instance unique

La France insoumise - tract - loi travail numéro 2


Dans le cadre de l'élaboration de la loi d'habilitation permettant au Gouvernement de légiférer par ordonnance sur le droit du travail, La France Insoumise distribue des tracts (consultables en cliquant ici). Il peut être intéressant d'examiner chacun des griefs soulevés par la France Insoumise afin d'être en mesure de se forger sa propre opinion sur la question. Pour ce faire, un article est consacré à chacune des idées avancées dans cette communication.

En cas de besoin, le projet de loi d'habilitation peut être consulté en cliquant ici. Au moment où ces lignes sont écrites, le projet de loi a été adopté en première lecture à l'Assemblée Nationale et doit être débattu au sénat.

Edit du 08/08/2017 : Le projet de loi a été adopté définitivement par l'Assemblée nationale et le Sénat. Le présent article a été mis à jour en conséquence.


Idée n°5 :
Désarmer les salariés, avec la fusion du comité d’entreprise, du comité hygiène sécurité et conditions de travail et des délégués du personnel en une instance, avec moins de droits et discutant par internet avec l’employeur.

La fusion des délégués du personnel (DP), du comité d'entreprise (CE) et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)


Il est possible aujourd'hui pour les entreprises de moins de 300 salariés de regrouper ces trois instances sous la forme d'une délégation unique du personnel (article L.2326-1 du Code du travail). Cette possibilité relève d'une décision de l'employeur.

Remarques : ce n'est que depuis très récemment que le CHSCT a été intégré à la délégation unique du personnel (article 13, loi n°2015-994 du 17 août 2015 relative audialogue social et à l'emploi). C'est à cette occasion que le seuil de 200 salariés a été relevé à 300.

Dans les entreprises de 300 salariés et plus, la fusion de ces institutions reste possible mais elle est subordonnée à un accord (article L. 2391-1 du Code du travail).

La réunion des instances représentatives du personnel dans une délégation unique est aujourd'hui une exception. Le projet de loi d'habilitation autorise le Gouvernement à en faire un principe.


Une instance avec moins de droits



Dans le cadre des ordonnances, le Gouvernement sera chargé de définir les conditions de mise en place, les seuils d’effectifs à prendre en compte, la composition, les attributions et le fonctionnement de cette instance, y compris les délais d’information-consultation, les moyens, le nombre maximal de mandats électifs successifs des membres de l’instance ainsi que les conditions et modalités de recours aux expertises.

Compte tenu de l'avancée de la réforme, il n'est pas possible de déterminer, à ce stade, si les conditions de mise en place et de fonctionnement de cette nouvelle instance unique de représentation du personnel seront moins favorables aux salariés qu'à l'heure actuelle pour ce qui est de la délégation unique du personnel des entreprises de moins de 300 salariés. Dans les entreprises de 300 salariés et plus, ces modalités sont aujourd'hui définies par accord (article L. 2392-1 et L. 2393-1 du Code du travail). Seule une évaluation au cas par cas, accord par accord, permettra de savoir si les nouvelles dispositions du Code du travail concernant la mise en place et le fonctionnement de l'institution représentative du personnel seront plus ou moins favorables que le contenu des accords d'entreprise conclus dans ce domaine

Il convient donc d'attendre que le contenu des ordonnances soit dévoilé pour répondre avec précision à toutes ces interrogations. Le but poursuivi par le Gouvernement étant de simplifier le fonctionnement de cette nouvelle instance unique, une telle simplification pourrait passer par une réduction des obligations de l'employeur, et réciproquement, par une réduction des droits des salariés.

Pour autant, il convient de préciser que l'étude d'impact du projet de loi d'habilitation envisage d'attribuer plus de moyens et donc plus de droits aux élus du personnel. Il est notamment fait référence à la possibilité d'élargir les situations dans lesquelles l'employeur devra requérir l'avis conforme des représentants du personnel. Sans accords des représentants du personnel à l'issue de leur consultation, l'employeur ne pourrait pas mettre en oeuvre la mesure envisagée. Il est également prévu d'améliorer leur accès à la formation.

Surtout, le projet de loi permet aux ordonnances de limiter le nombre de mandats successifs que pourrait exercer un élu. Une telle disposition introduite dans le Code du travail pourrait conduire à ce que, dans une entreprise, il y ait carence ou insuffisance de candidats aux élections alors même que des salariés seraient volontaires pour exercer des mandats. Elle vient réduire la portée de l'alinéa 8 du préambule de la constitution du 26 octobre 1946 : "Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises." Ce principe a valeur constitutionnel car repris en 1958 dans le préambule de notre actuelle Constitution. Toute loi doit s'y conformer, il est donc envisageable que le Conseil constitutionnel soit saisi en vue d'examiner la constitutionnalité de cette mesure.

Edit du 08/08/2017 : Le projet de loi adopté définitivement par l'Assemblée nationale et le Sénat prévoit expressément que les ordonnances pourront permettre aux entreprises de fixer à trois, sauf exceptions, le nombre de mandats électifs successifs des membres de la future instance unique.

Une instance discutant par internet avec l'employeur



Le projet de loi est très général et ne fait référence qu'à la définition des modalités de fonctionnement de cette nouvelle instance unique sans autres précisions. N'est pas visée par le projet de loi la faculté de communiquer par internet avec les représentants du personnel dans le cadre de la tenue des réunions ou même des échanges réguliers qu'ils pourraient avoir. Cela n'empêchera pas les ordonnances de prévoir des dispositions sur ce point.

Reste à savoir si permettre à l'employeur et aux représentants du personnel d'échanger par internet aurait pour impact de désarmer les salariés. Cette analyse est subjective et dépend des considérations de chacun. Dans les entreprises composées d'établissements multiples, excentrés du siège, cela aurait pour avantage de réduire les déplacements et les temps de trajet correspondants des élus dans le cadre de leur participation à des instances centralisées. Cela facilitera aussi la disponibilité de chacun des acteurs. Mais de façon inverse, le recours à internet pour échanger pourrait contribuer les élus du personnel à demeurer éloignés, isolés et réduire la portée des messages qu'ils souhaitent communiquer. Il n'est pas contestable que les messages délivrés en face à face ont parfois plus de poids.

A. Drajel

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire