mardi 25 juillet 2017

Tract La France insoumise - Établir des barèmes aux prud’hommes

La France insoumise - tract - loi travail numéro 2

Dans le cadre de l'élaboration de la loi d'habilitation permettant au Gouvernement de légiférer par ordonnance sur le droit du travail, La France Insoumise distribue des tracts (consultables en cliquant ici). Il peut être intéressant d'examiner chacun des griefs soulevés par la France Insoumise afin d'être en mesure de se forger sa propre opinion sur la question. Pour ce faire, un article est consacré à chacune des idées avancées dans cette communication.

En cas de besoin, le projet de loi d'habilitation peut être consulté en cliquant ici et son étude d'impact en cliquant là. Au moment où ces lignes sont écrites, le projet de loi a été adopté en première lecture à l'Assemblée Nationale et doit être débattu au sénat.

Edit du 08/08/2017 : Le projet de loi a été adopté définitivement par l'Assemblée nationale et le Sénat. Le présent article a été mis à jour en conséquence.

Idée n°6 :
Établir des barèmes aux prud’hommes : les employeurs hors-la-loi mettront de côté la somme nécessaire pour licencier illégalement syndicalistes, femmes enceintes, salariés âgés



Établir des barèmes aux prud’hommes


L’article 3 du projet de loi d’habilitation charge les ordonnances de fixer un référentiel d’indemnité qui s’imposera aux conseils de prud’hommes, établi notamment en fonction de l’ancienneté du salarié, pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour reprendre l’étude d’impact du projet de loi d’habilitation, cette disposition a été introduite en partant du constat que “pour des salariés occupant un poste équivalent, à ancienneté égale, le montant des dommages et intérêts peut varier du simple au triple, voire atteindre des écarts encore plus élevés dans les cas extrêmes. Ces écarts ne s’expliquent pas par les seules différences de salaire et d’ancienneté des salariés dans l’entreprise. Ils traduisent notamment des traitements différenciés par les juges dans des situations comparables”.

Il est donc bel et bien prévu d’établir des barèmes aux prud’hommes pour la détermination des indemnités à verser en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Plus précisément, l’étude d’impact précise que le référentiel sera composé d'un plafond, d'un plancher et d'une échelle obligatoire des dommages et intérêts versées en cas de licenciement abusif. L’existence d’un tel barème permettra aux employeurs de mieux appréhender le coût d’un licenciement qui ne serait pas sécurisé et donc incontestablement de provisionner comptablement le risque financier qu’une telle situation représenterait pour l’entreprise. Cette pratique existe d’ailleurs déjà dans les grandes entreprises bien que la somme provisionnée soit soumise à un fort aléa.

Certains praticiens du droit du travail s’interrogent toutefois sur l’efficacité de ce barème pour réduire les écarts de montant des dommages-intérêts actuellement constatés d’un litige à un autre. En effet, aucune situation n’est identique, et les conseillers prud’homaux, jugeant l’indemnité prévue par le barème comme insuffisante, pourraient rechercher l’existence de préjudices supplémentaires, tel qu’un préjudice moral, pour compléter l’indemnisation du salarié licencié abusivement. De tels barèmes seraient alors sans effet ou auraient un effet bien moindre que celui escompté.

Pour information : Aujourd’hui seuls des planchers sont prévues par le Code du travail pour l'indemnisation des salariés licenciés sans cause réelle ni sérieuse. Le montant des dommages et intérêts est au minimum égal à six mois de salaire, pour tout salarié ayant au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise d’au moins 11 salariés (articles L. 1235-3 et L.1235-5 du Code du travail). En revanche, pour les salariés des entreprises de moins de 11 salariés, et pour les salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté, il n’existe aucun encadrement ou montant minimal. Le juge fixe le montant des dommages et intérêts librement en fonction du préjudice subi (article L.1235-5 du Code du travail).

Des barèmes applicables aux syndicalistes, femmes enceintes, salariés âgés


Le projet de loi précise expressément que le barème ne sera pas applicable aux licenciements entachés par des actes de harcèlement ou de discrimination. Un salarié licencié pour un motif discriminatoire tel que son âge, son sexe, sa religion, son état de santé ou de grossesse, ou encore son appartenance à une organisation syndicale ne se verra pas appliquer le barème d’indemnité.

Remarques : la preuve de l’existence d’une discrimination est facilitée par le Code du travail. Le salarié se contente de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, l’employeur doit prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (article L. 1134-1 du Code du travail).

Il convient de noter que le barème s'appliquerait, en l'état du projet de loi, aux seuls licenciements sans cause réelle ni sérieuse. Ce barème ne s'appliquerait donc pas aux licenciements nuls du fait, notamment, d'un licenciement fondé sur une discrimination (articles L. 1132-1 à L. 1132-4 du Code du travail), du licenciement d'un salarié protégé (articles L. 2422-1 et suivants du Code du travail), d'une salariée enceinte ou en congé maternité (articles L. 1225-4 à L. 1225-5 du Code du travail), d'un salarié en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle (article L. 1226-9 du Code du travail ; Cass. soc., 8 octobre 1991, n°89-45.031), de certains lanceurs d'alerte (articles L. 1132-3-3 et L. 1132-4 du Code du travail), etc.

Edit du 08/08/2017 : Le projet de loi adopté définitivement par l'Assemblée nationale et le Sénat prévoit que le barème qui pourra être fixé par ordonnance ne sera pas applicable aux licenciements entachés par une faute de l'employeur d'une exceptionnelle gravité. Les licenciements fondés sur un harcèlement ou une discrimination seraient donc exclus mais ils ne seraient pas les seuls.

La mention des tracts de la France Insoumise selon laquelle les employeurs pourront économiser pour licencier syndicalistes, femmes enceintes ou salariés âgés est donc fausse.

A. Drajel

Voir également :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire