L’abandon de poste est de plus en plus pratiqué par les
salariés qui ne souhaitent pas démissionner et être ainsi privés des allocations
de l’assurance chômage.
Mais cet engouement est-il justifié ?
I. Les raisons de l’engouement
Pour reprendre l’article L’abandon
de poste : comment réagir ?, l'abandon de poste ne peut être considéré
comme une démission ce qui contraint l'employeur à engager une procédure de
licenciement.
Et un licenciement disciplinaire même pour faute grave ne
prive pas le salarié de ses allocations d'assurance chômage contrairement à ce
qui est couramment pensé.
Il suffit que le salarié soit involontairement privé
d'emploi, et le licenciement sans distinction est reconnu comme tel (Articles
1 et 2 du Règlement général annexé à la convention Unedic du 14 mai 2014).
Les intérêts de l'abandon de
poste et ceux de la rupture conventionnelle se rejoignent donc :
- Percevoir des revenus de remplacement ;
- Sécuriser un changement d'entreprise en cas de rupture ultérieure du nouveau contrat de travail au cours de la période d'essai ;
- Faire une pause rémunérée dans sa carrière professionnelle pendant la période de chômage) ;
- Prévoir une réorientation professionnelle ou une création d'entreprise.
Certains travailleurs vont même
jusqu'à pousser le principe encore plus loin. Ils abandonnent leur entreprise
quelques jours pour tester un nouveau poste de travail chez un autre employeur.
Si l'expérience est concluante,
ils abandonnent définitivement leur poste. Si elle ne l'est pas, ils
réintègrent leur ancien emploi. Ils échapperont ainsi au licenciement pour
faute grave (Cass.
soc., 29 févr. 2012, n° 10-23.183 ; à nuancer selon les responsabilités du
salarié).
Mais l’abandon de poste est loin
d’être la solution idéale.
II. A quel prix ?
A. L'engagement de la responsabilité du salarié (conséquences abstraites)
Tout d'abord, un abandon de poste
programmé est en réalité une démission déguisée dans le seul but de ne pas être
privé des allocations de l'assurance chômage.
Le salarié est loin de la
situation de "privation involontaire d'emploi" au sens strict. Les
dispositions légales sont ainsi détournées de leur objet premier et s'apparentent par là même à un abus de
droit.
N.B. l'abus de droit,
qui se distingue de l'acte réalisé sans droit, consiste à exercer un droit sans
motif légitime et sérieux, de mauvaise foi, par pure malveillance ou dans le
but de nuire à autrui (Ripert, « L'exercice des droits et la responsabilité
civile », Rev. crit. lég. et jurisp. 1905. 352 ; Josserand De l'esprit des lois
et de leur relativité, 2e éd., 1939).
L'abus de droit engage la
responsabilité civile de son auteur (paiement de dommages-intérêts) et les
juges peuvent être amenés à prendre des mesures visant à en faire cesser ses
effets (Cour
de Cassation, Chambre des requêtes, du 3 août 1915, 00-02.378).
Si en l'état actuel du droit et
de la jurisprudence, aucune décision n'a été rendue en ce sens concernant
l'abandon de poste, il reste une faille dans le dispositif dont l'Etat et
l'assurance chômage pourraient se saisir.
Par ailleurs, l’employeur pourrait demander une
indemnisation au salarié pour plusieurs raisons :
- Non-respect de son obligation de fournir la prestation de travail du fait de son abandon de poste (Article 1134 du Code civil ; Article L.1122-1 du Code du travail).
- Non-exécution du préavis hors cas de licenciement pour faute grave même dans le cadre d'un abandon de poste (Cass. soc., 2 avr. 1984, n° 82-40.348, n° 1008 P + BS) et ce indépendamment de l'importance de l’ancienneté du salarié ou du caractère sensible de son poste de travail (Cass. soc., 14 janv. 1992, n° 90-44.091).
Une telle solution sera rarement
envisagée et restreinte aux cas où le préjudice est important compte tenu
notamment des responsabilités confiées au salarié.
Mais si ces impacts restent très
théoriques et peu usités, d'autres conséquences sont bien plus sérieuses.
B. Les impacts financiers et professionnels
Il ne faut pas perdre de vue que
la rémunération est la contrepartie de la prestation de travail.
En cas d'abandon de poste, le
salarié se trouve alors privé de rémunération pendant plusieurs semaines voire
plusieurs mois dans l'attente de son licenciement.
Pire, le salarié n'a aucune
garantie que l'employeur engagera la procédure. Un tel sacrifice de
rémunération pourrait finalement n'avoir servi à rien, car sans licenciement le
salarié ne percevra jamais ses revenus de remplacement en raison de son chômage.
Enfin, il faut être conscient des
préjudices qu'un abandon de poste pourrait causer à sa carrière
professionnelle. Partir dans ses conditions n'est jamais en faveur du salarié
dans la mesure où ses prochains employeurs potentiels pourront vouloir se
renseigner sur son passé.
C. Les solutions alternatives à l’abandon de poste
Si l'abandon de poste est lié à
une faute de l'employeur suffisamment grave (harcèlement, non-paiement de la
rémunération, modification du contrat de travail, etc. …) il convient de se
tourner vers la prise d'acte de rupture du contrat de travail.
C’est un mode de rupture dans
lequel le salarié quitte l’entreprise en raison de faits qu’il impute à son employeur.
Une procédure accélérée devant le
Conseil de prud'hommes a été instituée (Article L.1451-1 du Code du travail)
afin que la prise d'acte soit rapidement analysée par les juges.
La prise d’acte entraine les
effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si elle est justifiée ainsi
que le versement des sommes qui s'y rattachent et notamment des allocations de
l'assurance chômage.
C’est un exemple, mais d’autres
cas de « démissions légitimes » donnent droit aux allocations (Articles
1 et 2 du Règlement général annexé à la convention Unedic du 14 mai 2014).
Ces points seront détaillés plus
en profondeur dans un article ultérieur.
Mieux vaut contacter un conseiller Pôle emploi et lui faire part de sa
situation avant d’envisager un abandon de poste.
A. Drajel
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