Mis à jour le 21 février 2019
Un refus de rupture conventionnelle, pas de retour en poste d'une salariée en congé parental d'éducation ou en maladie, altercation avec un salarié qui ne revient plus travailler...
Un refus de rupture conventionnelle, pas de retour en poste d'une salariée en congé parental d'éducation ou en maladie, altercation avec un salarié qui ne revient plus travailler...
C'est souvent dans ce contexte qu'un abandon de poste se produit. Comment l'employeur doit-il réagir face à cette situation ?
I. La mise en demeure du salarié
Le salarié s'absente sans un mot
ni justificatif. Le premier réflexe de l'entreprise va être de se renseigner auprès du
collaborateur. Un appel téléphonique peut suffire.
Les choses se compliquent si le salarié ne réagit pas aux appels de
l'employeur. Si le salarié ne donne toujours pas signe de vie après le délai de 48 heures habituel pour justifier de son absence (des dispositions différentes peuvent exister dans les conventions et accords collectifs applicables à l'entreprise), l’étape
suivante est de mettre en demeure formellement le salarié de se conformer à ses obligations. Le mieux est de procéder par lettre recommandée avec accusé de réception afin de se ménager les preuves nécessaires en cas de contentieux ultérieur. Cette mise en demeure consistera à demander au salarié :
- soit de justifier de son absence ;
- soit, à défaut de justificatif,
de regagner son poste.
Le salarié doit avoir été relancé à plusieurs reprises avant d'envisager, s'il ne reprend pas son poste ni ne fournit de justificatif, la rupture de son contrat de travail.
II. Le choix de la procédure
Pas de qualification de l'abandon de poste en démission
La démission est un acte claire et non équivoque, elle ne se
présume pas (Cass.
soc., 7 mai 1987, n° 84-42.203). Cela suppose que le salarié manifeste clairement sa volonté de quitter
l'entreprise sans que le contexte de son départ puisse rendre ambiguës ses intentions. Or, les juges considèrent depuis longtemps que l'absence de
réaction du salarié face aux mises en demeure de regagner son poste de la part
de l'employeur ne constitue pas une volonté claire et non équivoque de
démissionner (Cass.
soc., 11 juill. 2000, n° 98-45.342).
La Cour de cassation va même au-delà et considère que
l'employeur qui reproche un abandon de poste à son salarié doit en tirer toutes
les conséquences et mettre en oeuvre la procédure de licenciement (Cass.
soc., 10 juill. 2002, n° 00-45.566, n° 2576 FS - P + B : Bull. civ. V, n° 240). Si le salarié est embauché en contrat à durée déterminée, il s'agirait d'une procédure de rupture anticipée du CDD.
Même les conventions collectives ne peuvent y déroger en
considérant le salarié comme démissionnaire passé un certain délai (Cass.
soc., 21 mai 1980, no 78-41.833, Bull. civ. V, no 452). Certaines de ces dispositions conventionnelles existent encore mais sont obsolètes. Il convient donc de ne pas en tenir compte.
La marge de manœuvre de
l'entreprise devient relativement restreinte. Si l'employeur veut rompre le
contrat de travail du salarié, il devra engager une procédure de licenciement
pour motif disciplinaire.
Un licenciement ou une rupture anticipée du CDD
Souvent un licenciement ou une rupture anticipée du CDD pour faute grave
L'abandon de poste a été reconnu par la jurisprudence dans certaines espèces comme étant une faute grave (Cass.
soc., 1er mars 2000, no 98-41.690). Il s'agit d'une faute d'une importance telle qu'elle empêche le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis (Cass. soc., 26 févr. 1991, n° 88-44.908, n° 591 FP : Bull. civ. V, n° 97). Pour que ce degré de gravité ne soit pas remis en question, encore faut-il que l'employeur ne tarde pas à mettre en
œuvre la procédure de licenciement. Voici un exemple de calendrier :
Le motif de licenciement précisé dans la lettre de notification de la rupture doit constituer une cause réelle et sérieuse. Certains motifs sont inappropriés à l'abandon de poste. Par exemple, il serait incohérent de faire référence à la
désorganisation du service ou de l'entreprise s'il n'y a pas de désorganisation notamment, lorsque l'absence du salarié peut être palliée facilement. Le licenciement se justifie en ce que l'abandon de poste constitue une violation grave des obligations
contractuelles du salarié.
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Afin d'éviter un retour éventuel
du collaborateur
pendant la procédure, les employeurs ont parfois recours à la mise à
pied à titre conservatoire. Il s'agit d'une mesure de suspension temporaire du contrat de travail du salarié lorsqu'une procédure de licenciement est engagée. Une telle mesure peut être envisagée lorsque les faits reprochés au salarié la rendent indispensable (Article L. 1332-2 du Code du travail) et ce dans le but de protéger les intérêts de l'entreprise. La mise à pied conservatoire a déjà été considérée
comme injustifiée pendant une période d’absence du salarié (Cass.
soc., 21 mars 1991, no 89-42.874). Cette mesure est donc déconseillée en pratique.
La faute grave n'est pas toujours constituée
Il ne sera pas possible de
revendiquer une faute grave dans certaines situations et notamment :
- Alors que l'employeur a tardé à engager la
procédure de licenciement ;
- Quand il a été aisé de remplacer le salarié
pendant son absence (Cass.
soc., 1er mars 1995, n° 91-43.718) ;
- Lorsque pour une raison quelconque à examiner au cas par cas, l'abandon de poste ne rend pas impossible le maintien du salarié pendant la période du préavis (Cass. soc., 3 mai 2012, n°10-27.152).
Dans ces situations, l'abandon de poste peut néanmoins justifier
un licenciement disciplinaire (Cass.
soc., 13 janv. 2004, no 01-46.592, Bull. civ. V, no 6). L'indemnité de préavis et l'indemnité de
licenciement devront alors être versées au salarié (Article
L.1234-9 du Code du travail). Dans la mesure où le salarié ne
vient plus travailler, cela n'emporte pas de réelle conséquence sur l’indemnité
de préavis. Si l’intéressé n'est pas dispensé d'exécuter son préavis et ne se rend pas au travail, son préavis
ne sera pas
payé.
Pour ce qui concerne l'indemnité
de licenciement, celle-ci est fonction des 12 derniers mois précédant la
notification du licenciement (Article
R.1234-4 du Code du travail). Ces douze derniers mois de salaire seront réduits du fait
de l'absence prolongée du salarié car l'employeur n'a pas à maintenir le salaire pendant cette période. Cela réduira sensiblement le montant
de l'indemnité.
Si le salarié est embauché en CDD, en l'absence de faute grave, il n'est pas possible de rompre de façon anticipée le contrat de travail, les cas de rupture anticipée étant limitativement énumérés par la loi.
Quand ne pas rompre le contrat ?
Dans certains cas, l'employeur n'est pas en droit de licencier le salarié qui a abandonné son poste sans notifier sa démission, notamment lorsque les agissements de l'employeur constituent une faute suffisamment grave que le salarié dénonce (harcèlement, discrimination, ... ; Cass. soc., 5 juillet 2017, n° 16-14.216).
De plus, l'employeur ne peut mettre en oeuvre la procédure de licenciement, même pour abandon de poste, si le salarié dont l'arrêt de travail pour maladie a pris fin n'a pas été convoqué à une visite de reprise (si la visite de reprise s'impose ; Cass. soc., 6 mars 2017, n° 15-27.577).
Enfin, même s'il existe une cause réelle et sérieuse de licenciement, l'employeur n'a pas l'obligation de licencier un salarié qui abandonne son poste. Dès lors, le salarié absent n'est pas en droit de mettre en demeure l’employeur d’engager la procédure de licenciement. En revanche, un salarié qui n'est
pas licencié, même s'il est absent reste
comptabilisé dans les effectifs de l'entreprise. Ce paramètre n'est pas négligeable dans la mesure ou le décompte de l'effectif permet de déterminer certaines obligations qui incombent à l'employeur (paiement ou taux de certaines cotisations sociales, représentation du personnel, règlement intérieur, emploi de salariés atteints d'un handicap etc.). De plus, le salarié dont le contrat de travail n'a pas été rompu peut réintégrer son poste. Il sera alors difficile dans ce contexte de justifier d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Avant de prendre la décision de
retarder la procédure ou de ne pas l’engager, les entreprises recherchent si le
maintien du salarié à son poste peut entraîner des conséquences
juridiques ou financières plus importantes que la simple gestion de son
absence.
III. Quid des documents de fin de contrat ?
Au terme du contrat de travail,
l'employeur devra remettre au salarié un certain nombre de documents, habituellement remis au salarié en main propre le jour de son départ. Comment ces
documents doivent-ils être remis si le salarié n’est pas dans l’entreprise le
jour du départ?
Aux termes du contrat de travail, et selon une jurisprudence constante, les documents de fin de contrat son quérables et non portables. En
d'autres termes, c'est au salarié de
venir les chercher dans l'entreprise. L'employeur n'a pas l'obligation de les faire
parvenir au travailleur par voie postale.
Documents de fin de contrat
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Base légale
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Bulletin de salaire
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Reçu pour solde de tout compte
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Certificat de travail
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Attestation pôle emploi
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Toutefois, depuis la réforme du droit des obligations, le paiement du salaire est désormais portable et doit donc être envoyé au salarié, accompagné du reçu pour solde de tout compte pour des questions pratique (Article 1343-4 du Code civil).
L'employeur pourra donc demander au salarié qui a abandonné son poste de se déplacer dans entreprise en vue de récurer son dernier paiement et ses documents.
L'employeur pourra toutefois faire parvenir ces documents au salarié par voie postale de façon plus favorable. Il sera dans ce cas plus délicat d'obtenir le double du reçu pour solde de tout signé, lequel limite la prescription d'une contestation du solde versé à 6 mois pour les sommes qui y sont mentionnées.
A. Drajel
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